Les animaux
Bill Reed a repris le refuge pour animaux blessés et invalides que son oncle a créé en pleine forêt. Il soigne loups, grizzli, faons, porcs-épics, chouettes, puma, etc., dont les blessures ont bien souvent été provoquées par l'homme. Il se bat contre le nouveau responsable de Chasse et Pêche, sourcilleux quant à la loi, et qui menace son projet. Il aime Grâce, la vétérinaire, qu'il envisage d'épouser. Il semble avoir trouvé un bel équilibre, jusqu'à ce que son passé le rattrape en la personne de Rick, un ami d'enfance. Bill s'appelle en réalité Nathaniel (Nat) et a pris le prénom de son frère mort afin de se reconstruire sur de nouvelles bases. Il a fui une vie d'obsession du jeu et de pertes conséquentes, de prêts usuriers impossibles à rembourser. Il a fui Rick qu'il a trahi, bien malgré lui, le soir du vol d'un coffre-fort, la solution à tous ses ennuis. Rick qui a passé douze ans en prison et qui réclame vengeance.
Un excellent roman aux images très réussies et marquantes que je rapproche de ceux de Jim Harrison, de T.C. Boyle, encore de Richard Ford. Un roman de l'ordinaire, du tragique raconté d'une façon qui ne l'est pas, l'exploration de la vie réelle à l'aune de nos désirs, de nos pertes, de nos désarrois. Un roman de la rédemption, de l'acceptation de nos manques et de l'indulgence envers soi-même. Un roman nature, la collision du monde humain et du monde animal, la beauté de ce dernier, certes sauvage mais dénué de fourberie. Et le fabuleux lien sacré que nous pouvons entretenir avec lui pourvu que nous y soyons sensibles.
Valet de Pique
Andrew J.Rush est un auteur à succès. Il a 53 ans, possède une belle maison à Harbourton, dans le New-Jersey campagnard. Il vit un bonheur sans nuage avec Irina. Il écrit, sous son nom, des romans à suspense pimenté d'une touche de macabre, sous un pseudonyme, des romans violents et nauséeux qui ont trouvé leur public. Sa petit vie parfaite va commencer à s'effriter le jour où il reçoit une assignation à comparaître pour plagiat.
Tout le talent de Joyce Carol Oates dans ce roman intrigant et sombre qui pose la question de la culpabilité et des ses fatales conséquences.
Mâcher la poussière
Stefano, le "baron", tue un gamin venu dérober des amandes sur ses terres. Il s'agit de Louis, 15 ans, neveu de l'Autruche, le grand bandit local. Il aura la vie sauve mais devra vivre un exil dans un hôtel de luxe avec interdiction d'en sortir sous peine de mort. Mais les barrières de Stefano, arrogant et asocial, sont toutes intérieures. Bien qu'il ne regrette rien et se montre manipulateur, la douleur et le chagrin peu à peu le mettent à genoux. Il peine à trouver des raisons de vivre et tente de trouver des réponses dans la drogue et les amours tarifées. Il n'est cependant pas que bassesses et coups bas ...
Une écriture poétique et élégante au service d'une histoire hors du temps, inspirée d'un fait réel. Une réflexion délicate sur l'enfermement, la solitude, le rapport au temps, les rendez-vous manqués et le sens d'une vie.
Les Filles au lion
Odelle Bastien vient de Trinidad et vit dans le Londres des années 60. Elle travaille dans un magasin de chaussures et s'y ennuie. Son rêve est de devenir écrivain, sa pudeur la retient. Quand elle accepte une place dans une galerie d'art, sa vie s'en trouve bouleversée : la responsable, l'énigmatique Marjorie Quick, la bouscule et lui sera une aide précieuse, elle rencontre Lawrie Scott qu'elle aimera et qui possède un tableau qui éveille les intérêts.
En 1937, Olive Schloss s'installe avec ses parents dans le sud de l'Espagne. Elle peint mais n'ose montrer ses oeuvres à son père galeriste qui estime les femmes piètres artistes. Ne pouvant se confier à sa mère instable mentalement, elle se rapproche de la bonne Teresa, surtout de son frère Isaac, peintre et activiste.
Les deux histoires sont intimement liées et racontées à la façon d'un puzzle. Au centre de la réflexion, l'art et son impact, les méfaits du mensonge. Le style est vif, entraînant, et nous offre un festival de couleurs éclatantes et sensuelles. Deuxième opus très réussi de l'auteure du remarquable "Miniaturiste".
Crépuscule du tourment 2 Héritage
La part tue de "Mélancholy" dans lequel quatre femmes parlaient de leur relation à un homme - un fils, un amant, un mari, un frère. Cet homme fait entendre sa voix dans ce second opus et éclaire les zones d'ombre.
S'il y a dans cette suite moins d'animisme, moins de force, moins de "tellurisme", j'y retrouve cependant la finesse psychologique de Léonora Miano, son intelligence de l'humain, sa vision contrastée, la description des fêlures, des combats intérieurs, des acceptations aussi. Elle décrit l'amour dans toutes ses formes : la violence de la passion, la viscéralité de l'amour maternel, l'amour au-delà de la mort, le désir de vouloir le bonheur de l'autre et le laisser partir ... Elle nous parle de l'héritage familial, ancestral qu'il est préférable d'apprivoiser plutôt que combattre pour vivre enfin et trouver son identité propre.