La formule du succès **
Zoé a demandé à son papa de lui offrir un piano. Elle s'imagine déjà concertiste. Or elle doit se contenter d'un orgue électronique en plastique rose ! Mortifiée, elle s'obstine et tire bientôt de son Perfectone D-60 des versions passables de nombreux génériques de séries télé. Histoire de concourir pour le Concert-O-Rama annuel organisé par Perfectone. Encore faut-il convaincre son agoraphobe de père de l'y emmener.
Le portrait tout en finesse d'un petit copain autant épris des parents bienveillants de Zoé qu'admiratif de sa combativité complète le livre avec bonheur.
Calpurnia ***
Texas, été 1899. Calpurnia Tate, 11 ans, court la campagne, étudie les sauterelles, les lucioles, les fourmis, les opossums. Affirme sa personnalité au milieu de six frères, à l'encontre de parents aimants mais conformistes, et se confronte aux difficultés d'être une jeune fille. Apprend la cuisine, la couture et les bonnes manières, comme il se doit, mais préfère exercer librement sa curiosité insatiable. Trouve un allié improbable en la personne de son grand-père, ingénieur fantasque supposé indifférent à l'égard de sa famille. Partage avec lui ses enthousiames.
Et si la science pouvait ouvrir un chemin vers la liberté ?
Le combat d'hiver **
Dans un pays indéfini, d’une époque indéfinie (où le moteur à explosion existe, mais pas l’internet, ni semble-t-il le téléphone ou la radio), la Phalange a pris le pouvoir. Ses milices ont traqué les opposants, et n’ont pas hésité à lancer à leurs trousses, pour la curée, des hommes-chiens. Les enfants des victimes ont été enfermés dans des internats très durs. L’ordre règne, et la force est la valeur suprême, qu’incarnent de nouveaux gladiateurs.
Van Vlyck est un potentat du nouveau régime et lui a sacrifié quinze ans plus tôt son amour, une cantatrice admirable dont le chant galvanisait la résistance. Il a laissé vivre la fille de celle-ci, qui vient de s’évader avec quelques amis. La traque est lancée : il faut à tout prix éviter qu’une voix humaine réveille les consciences. Sur ces données très romanesques et un peu convenues, Mourlevat brosse une épopée passionnante, pleine de verve, de rebondissements et de trouvailles (les «consoleuses» et les «bourins», la soumission et la révolte, le chant, l’abnégation et le courage…) et des jeunes héros dont tous ne réchapperont pas, mais dont le lecteur se souviendra longtemps (12/14 ans).
Sauveur & Fils ***
Sauveur Saint-Yves a 40 ans, un fils de 9 ans, Lazare, et beaucoup de patients, qu'il reçoit dans son cabinet privé de psychologue, à Orléans. On le trouve très noir (il est antillais), très grand (1.90m), et très déconcertant (ce prénom !), mais tout le monde revient. Les agités, les anorexiques, les suicidaires, les SDF, les transgenre, les divorcés, les divorçants, les parents, les enfants, les orphelins et les autres. Sauveur se moque gentiment d'eux, parfois, mais les respecte toujours. Et endosse leurs maux, souvent. Lazare, qui les écoute à la dérobée, aimerait bien que son père lui réserve un peu plus de son temps.
Marie-Aude Murail excelle dans cette série pleine de charme et d'émotion, pétillante et pourtant profonde, où elle peut développer à loisir une galerie de personnages qu'elle rend vrais en quelques lignes.
Thésée ***
Yvan Pommaux a produit pour la jeunesse une centaine de livres depuis 30 ans. Il est auteur et illustrateur. On connaît bien la simplicité de son trait, sa maîtrise des couleurs et de la mise en page, sa curiosité et son éclectisme qui lui ont tout aussi bien suggéré des bandes dessinées pour Bayard (Théo Toutou, Marion Duval …) qu’à l’Ecole des Loisirs. Il a créé pour les plus jeunes des albums parodiques (les enquêtes de John Chatterton) ou nostalgiques (entre autres «Une nuit, un chat» et «Avant la télé»), et dans la collection médium une adaptation subtile de la Double Inconstance «Rue Marivaux», à rapprocher du beau film «L’esquive».
En 54 pages il nous propose une adaptation lumineuse et vivante du mythe de Thésée, qu’il rend compréhensible pour des lecteurs à partir de 6 ans – sans mièvrerie aucune – et qu’il replace dans son contexte archéologique et historique. L’album bénéficie d’une réalisation soignée, les illustrations sont magnifiques et la narration fluide, malgré de nécessaires détours dans le récit. Il donne à admirer la portée universelle des mythes grecs, le plaisir et l’envie de mieux les connaître.