Désorientale
Désoeuvrée, Kimiâ qui attend son tour chez un médecin spécialiste de la procréation assistée se souvient : la fureur et le bruit de son enfance parce que " l'Iranien n'aime ni la solitude ni le silence " ; la difficulté de se glisser dans son rôle de fille; les persécutions politiques et la fuite à Paris; la nécessité de devenir "une autre", de désapprendre qui elle était pour survivre et se forger un avenir ; son père Darius qui n'avait pas le goût du quotidien, son père " le Tumultueux, le Désabusé ". Et puis " l'évènement" ... et la survie qui devient une histoire personnelle.
Exceptionnel premier roman sur le déracinement, la quête d'identité; roman au style éclatant, ciselé, qui marie avec bonheur drame, comédie et émotion.
L'amie prodigieuse
Premier volume d'une trilogie qui raconte soixante ans d'une amitié à double teinte, mixte d' amour et de haine, entre Lila et Elena. Lila s'est véritablement évaporée dans la nature et Elena, en colère, écrit leur histoire. Celle de deux gamines napolitaines qui se sont rencontrées à l'âge de six ans et dont le lien est resté fort malgré les séparations. Celle de deux adolescentes qui se sont affirmées dans une Italie patriarcale et une société machiste. Celle de deux femmes qui ont choisi, même si leurs choix divergent. Celle de deux femmes qui ont une connaissance affûtée l'une de l'autre.
Addictif comme la meilleure des séries télévisées, un "quelque chose" que je peine à définir et qui pousse à tourner les pages, à avaler les mots, à dévorer inlassablement. Le tohu-bohu de la vie ...
Le dimanche des mères
30 mars 1924, un dimanche, celui des mères. Une femme et un homme s'aiment dans une chambre. Jane Fairchild a 22 ans, Paul Sheringham en a 23. Elle est orpheline, ne connaît ni sa date de naissance ni son véritable nom; il est étudiant en droit. Elle est domestique, il est fils de bonne famille et près de faire un mariage de raison. Cette journée changera à jamais leurs vies.
Graham Swift possède l'art de l'épure, un style tout de finesse et d'élégance pour décrire la vie et ses possibles. Une pépite !
L'homme est un dieu en ruine
Edward Beresford Todd, alias Teddy, a vingt ans quand éclate la Seconde Guerre. Fuyant la banque paternelle, il s'empresse de s'engager. Ce garçon tendre, amoureux de poésie et de nature, devient pilote de bombardier et affronte, pendant quatre ans, l'horreur des combats. Il fait preuve de bravoure et de lucidité, n'imaginant pas qu'un "après" soit possible. La paix revenue le laisse désemparé, un retour à la "normale" lui semble irréel. Il se glisse pourtant à nouveau dans la vie ordinaire, sans que le quitte un sentiment de culpabilité, le poussant à ne plus se fâcher ni à blesser personne.
Kate Atkinson poursuit dans ce roman la réflexion entamée dans "Une vie après l'autre" : qu'est-ce qu'être humain ? quels sont les scénarios possibles d'une vie ?
Son récit joue avec les temporalités, remet en question la réalité - n'y a-t-il pas plusieurs réalités ? -, ce qui donne un supplément de force à l'intrigue sans que le lecteur s'y perde. Elle nous raconte l'histoire de Teddy comme s'il était son meilleur ami, avec tendresse, humour et malice.
Sacrifice
Le 6 octobre 1987 est une journée d'émoi pour les habitants de Pascayne, ville du New Jersey : Sybilla Frye, 15 ans, est retrouvée ligotée dans une usine désaffectée. Elle a été sévèrement battue, violée, recouverte d'excréments et de ces mots : "Pute nègre ku kux klann". D'abord muette, elle finit par avouer la culpabilité de cinq policiers blancs et sa peur face à leurs menaces de représailles. Dans cette ville où le racisme a de profondes racines, l'affaire est peu à peu étouffée. Jusqu'à ce qu'intervienne Marus Mudrich, révérend et activiste politique passionné, vaniteux autant qu' opportuniste, qui transforme l'horrible évènement en croisade vertueuse.
Un roman "coup de poing" qui décrit avec justesse le traumatisme, qui dénonce le racisme le plus primaire et pointe du doigt l'irresponsabilité des médias, la perte de valeurs. Un roman talentueux qui définit le sacrifice tant dans son acception positive que négative.