Refuge **
Fremantle, le quartier le plus maritime de Perth, au sud-ouest de l'Australie. Au dixième étage d'une tour vieillissante, Tom Keely contemple le vide de sa vie depuis que sa femme et son métier l'ont quitté. Parfois Tom perd conscience, et pas toujours à cause de l'alcool. Vont l'obliger à sortir de lui-même Gemma, une amie d'enfance qui a eu beaucoup moins de chance que lui, et surtout Kai, le petit fils précoce et inquiet de Gemma. Les éditions Rivages ont déjà publié de Tim Winton "Par dessus le bord du monde" (2004), et l'Ecole des Loisirs depuis 1998 les aventures de Lockie Léonard, adolescent sensible et courageux. L'auteur s'y entend pour créer des personnages, nous faire connaître leur passé et surtout leur moi profond, sans détails inutiles et dans toute la complexité des relations qui les unissent. Refuge entretient quelques résonances avec Gran Torino, le film de Clint Eastwood.
L'arc-en-ciel de verre ***
Dave Robicheaux revient, pour notre plus grand plaisir. Il habite toujours au bord du bayou, en Louisiane, avec Molly, la compagne qu'il a persuadée de quitter le couvent, Alafair, leur fille adoptive, Snuggs le chat guerrier et Tripod le vieux raton laveur. Depuis que Tommy Lee Jones l'a incarné pour le film de Bertrand Tavernier "Dans la brume électrique", il est difficile de l'imaginer sous d'autres traits.
Il est question cette fois-ci d'un pénitencier, d'une famille de possédants dont le dernier rejeton séducteur et cauteleux a séduit Alafair, d'un patriarche contrefait et intimidant, de repris de justice tous plus inquiétants les uns que les autres, de jeunes filles disparues, de spéculation immobilière, d'un souteneur, d'un privé alcoolique, déprimé et sentimental, de riches et de pauvres, de blancs et de noirs, de mort et d'amitié.
Irremplaçable James Lee Burke. Grâce soit rendue aux éditions Rivages de nous l'avoir fait connaître, aujourd'hui à prix "poche".
Les corrupteurs **
Mexico, aujourd'hui : un fait divers aux implications inattendues amène Tomas, journaliste désenchanté et dilettante à faire appel à ses amis d'enfance, Jaime, ancien directeur de la sécurité intérieure, Amelia, nouvelle présidente du principal parti d'opposition, et Mario, le professeur et l'ami fidèle. Thomas découvre qu'il a été instrumentalisé pour compromettre le ministre de l'Intérieur, l'inamovible et redoutable soutien du Président. Un tableau vif et distrayant des mœurs politiques d'un pays que l'on connaît peu en Europe, par un ancien chroniqueur politique du cru, détenteur du prix Planeta pour un autre roman : "Milena O el femur mas bello del mundo". Le rythme enlevé du récit fait vite oublier les clichés que d'autres auteurs de la collection nous auraient évités.
Boussole ***
Franz Ritter, obscur professeur de musicologie à l'Université, bientôt quinquagénaire et jamais marié, cherche le sommeil dans son petit appartement de Vienne, encombré de livres et de bibelots. Sarah recommence à lui envoyer des courriels. Elle lui soumet depuis le Sarawak le premier jet de son dernier article, "Le vin des morts", une écoeurante pratique pour laquelle elle se passionne. Sarah la rousse anthropologue, Sarah la parisienne qui parle parfaitement l'arabe et le farsi, Sarah l'auteur de "L'orientalisme est-il un humanisme ?", Sarah, l'éternelle étudiante, qu'il a rencontrée à Istanbul et retrouvée tout au long de quinze ans de voyages et d'études à Alep, Damas, Palmyre, et Téhéran...
Les rêveries de Ritter, ses éternels regrets, son érudition, sa cuistrerie parfois, nous saoulent et nous hypnotisent. Sa maladresse nous fait sourire, sa gaucherie nous touche et nous agace, sa sincérité nous émeut, et l'on en vient à souhaiter ardemment que dans son prochain courriel Sarah annonce son retour.
Enard réussit à maintenir l'intérêt des lecteurs (un peu persévérants tout de même) grâce à un métier d'écrivain consommé. A la suite de Goethe, Hugo, Mardrus, Pessoa, Burton, Hedayat, Khayyam et de tant d'autres, les amateurs de voyages et les curieux d'histoire et de littérature prendront plaisir à revisiter dans BOUSSOLE tout ce qui fascine les occidentaux dans l'Orient - où que celui-ci se trouve, puisque l'on est toujours à l'Occident de quelque chose ou de quelqu'un.
Le diable tout le temps ****
Un père torture des chiens car il pense ainsi alléger les souffrances de la mère de son fils, un homme offre à sa femme des auto-stoppeurs, les photographie et les tue, un shérif tyrannise ses administrés et assassine les amants de sa soeur, un prédicateur pousse la chaise de son compagnon, handicapé et jaloux, d'une contrée à l'autre, d'un meurtre à l'autre... Et pourtant il émane de ces personnages monstrueux une humanité indéniable. Fascinant.