Boussole ***
Franz Ritter, obscur professeur de musicologie à l'Université, bientôt quinquagénaire et jamais marié, cherche le sommeil dans son petit appartement de Vienne, encombré de livres et de bibelots. Sarah recommence à lui envoyer des courriels. Elle lui soumet depuis le Sarawak le premier jet de son dernier article, "Le vin des morts", une écoeurante pratique pour laquelle elle se passionne. Sarah la rousse anthropologue, Sarah la parisienne qui parle parfaitement l'arabe et le farsi, Sarah l'auteur de "L'orientalisme est-il un humanisme ?", Sarah, l'éternelle étudiante, qu'il a rencontrée à Istanbul et retrouvée tout au long de quinze ans de voyages et d'études à Alep, Damas, Palmyre, et Téhéran...
Les rêveries de Ritter, ses éternels regrets, son érudition, sa cuistrerie parfois, nous saoulent et nous hypnotisent. Sa maladresse nous fait sourire, sa gaucherie nous touche et nous agace, sa sincérité nous émeut, et l'on en vient à souhaiter ardemment que dans son prochain courriel Sarah annonce son retour.
Enard réussit à maintenir l'intérêt des lecteurs (un peu persévérants tout de même) grâce à un métier d'écrivain consommé. A la suite de Goethe, Hugo, Mardrus, Pessoa, Burton, Hedayat, Khayyam et de tant d'autres, les amateurs de voyages et les curieux d'histoire et de littérature prendront plaisir à revisiter dans BOUSSOLE tout ce qui fascine les occidentaux dans l'Orient - où que celui-ci se trouve, puisque l'on est toujours à l'Occident de quelque chose ou de quelqu'un.