Romanesque
Un roman comme un conte qui narre la rencontre entre une glaneuse et un braconnier. Une forêt immense, un homme et une femme, un regard et l'amour fou. Ils ne vont plus se quitter, vivre l'un pour l'autre, l'un par l'autre, l'un à travers l'autre. Le chêne et le lierre. Leur bonheur, simple finalement, va provoquer maints débats, faire maints envieux. De condamnations en malédictions, de mauvais sorts en anathèmes, leur sort est vite celé, le couperet tombe.
Les âges et les siècles vont se succéder et les amants renaître, se retrouver et s'aimer. Leurs souvenirs sont intacts, leur amour flamboyant, le monde suspicieux toujours : comment un tel amour est-il possible ? n'ont-ils pas absorbé tous les sentiments existant ?
La jalousie est intemporelle et ravageuse ... mais perdante !
Ils traversent le Temps, indifférents à toute loi, ne prétendant à rien qu'à leur amour, n'obéissant qu' à sa toute puissance. Rien n'est besoin d'autre chose.
Benacquista mêle présent et passé dans un récit trépidant qui se nourrit du thème des amants maudits, des amours contrariées qui résistent à toutes les avanies. Le style épouse le fond sans être compassé. Une réussite, un véritable enchantement !
Règne animal
Un roman, comme une épopée, qui traverse tout le XXe siècle au fil de l’histoire d’une petite ferme qui deviendra une véritable entreprise porcine. Par le prisme du devenir personnel d’une même famille - sur cinq générations -, l’auteur nous conte le tragique d’un temps qui a vu déferler le cataclysme de guerres, l’avènement d’une toute puissance économique à l’origine de bien des désastres, l’exploitation outrancière d’une nature qui n’a pas tardé à s’en venger … La nature rebelle, l’animal indomptable en miroir de la vanité et de la sauvagerie humaine.
Un roman lyrique, au style majestueux, à l’écriture véritablement organique qui nous pousse à réfléchir sur la nécessité d’une vie de l’homme en bonne intelligence avec tout ce qui fait et fonde notre monde.
Tabou
Sebastian von Eschburg est enfant unique d'une famille déchue dont le père s'est suicidé. Sa mère vend le manoir familial pour acheter un centre équestre et se remarie avec un représentant en plaques de plâtre, rustre, autoritaire, alcoolique et violent. Sebastian grandit seul et finit par se séparer de sa mère. Il devient un photographe de renom et très couru, jusqu'à une sordide histoire de meurtre ... sans corps.
La façon dont le récit est mené déroute et bouscule, un suspense mêlé de réflexions philosophiques sur la vérité et la culpabilité. " la vérité se distingue tout à fait de la réalité, comme le droit se distingue de la morale".
Un roman sur les non-dits et les névroses qui en découlent, sur la difficulté de se réaliser et sur l’influence décisive, dérangeante, souvent vitale de l’art.
Judas
Jérusalem, hiver 1959. Shmuel Asch, timide, émotif et désargenté, interrompt ses études et cherche un emploi. Une petite annonce l’amène à rencontrer Gershom Wald, 70 ans, handicapé et fantasque, qu’il est chargé de divertir de son intelligente conversation pendant quelques heures chaque jour. Elève brillant, Shmuel trouve en Wald un interlocuteur vif et incisif avec lequel il parlera de façon passionnée de la question arabe et des idéaux du sionisme. Il rencontrera surtout Atalia Abravanel, séduisante, libre et énigmatique, dont il devient amoureux fou.
Amos Oz est un conteur mélancolique, tendre, parfois ironique, à l’humour fin, habité par la grâce des mots, un artisan de génie des sentiments. Son roman est celui du tragique et de l'humain, de ce qu'il y a de tragique dans l'humain et de ce qu'il peut y avoir d'humain dans le tragique. Il y a là tout le panel des sentiments : la nostalgie, la solitude, l'amour, l’engagement, la trahison, le manque, l'amitié, la mort, le désir, le pardon. Il débusque les secrets de l'intime, l'intime politique comme l'intime amoureux. Tout se joue entre désir et peur, entre dépassement de soi et enracinement dans les certitudes. C'est un roman intimiste assez pessimiste qui se pose contre cette animalité archaïque que sont la haine et le fanatisme. Mais peut-on changer la nature humaine ? Comment faire du tumulte du monde si pas une paix tout au moins un compromis ?
L'archipel d'une autre vie
Le narrateur raconte sa rencontre avec Pavel. Il était orphelin de parents disparus dans les camps, du temps où les raisons importaient peu, et a atterri à Tougour, coin perdu de l'Extrême-Orient, avec quelques autres élèves, pour y être formé à la géodésie. Tout jeune, plein de sève, il est persuadé que ce sera là son meilleur printemps, le plus enivrant. Il l'a effectivement été mais pas de la façon dont il l'attendait. La rencontre avec Pavel qu'il suit à son insu, la vie que ce dernier lui raconte vont lui dévoiler le fond des choses, lui révéler la vie dans toute sa nudité, sa crudité, aussi sa joliesse.
Pavel est un soldat tête-de-turc qui se voit confier la mission de retrouver un fugitif. Ils sont cinq à le poursuivre, fiers et emplis de testostérone. Trop orgueilleux, trop sûrs d'eux, ils vont se faire avoir l'un à la suite de l'autre. La douleur morale en sera d'autant plus profonde que le fugitif s'avère être une femme. Pavel est partagé entre sa loyauté de soldat, l'occasion donnée de rentrer dans les bonnes grâces de ses autorités, et son désir de comprendre les raisons de la fuite de cette inconnue, de lui laisser une chance ...
Un roman cru et fort : les grands espaces, l'hiver qui s'abat impitoyablement, la confrontation avec une nature sans fard en contraste avec la nature humaine ... et l'envie de n'y être plus que soi, rien que soi, en vérité ...